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DES DÉLITS ET DES PEINES.

la loi du talion n’est pas autre chose que le droit de la vengeance ; et le droit de la vengeance est un droit de guerre : or, c’est pour sortir de l’état de guerre, qui est l’état naturel des hommes sauvages, et s’affranchir des peines et des périls auxquels il expose, qu’ils ont formé la société, laquelle est, comme le dit Rousseau (Contrat social, chap. 6), un corps moral et collectif, une personne publique formée de l’union de toutes les autres, ayant son moi, sa vie, sa volonté. Donc d’abord, dans l’état social, l’individu renonce au droit de vengeance personnelle, et à la loi du talion.

Mais, en s’en dépouillant, le confie-t-il à la société ? Non. Et pourquoi ? C’est qu’en contractant l’union sociale, il court aussi des dangers ; car il se peut, et même le monde n’a presque pas vu autre chose, il se peut, disons-nous, que l’union sociale ne serve qu’à donner à un plus grand nombre d’hommes un moyen plus sûr et plus constant d’opprimer. Il est clair que si chacun eût donné à cette société le droit et le pouvoir de faire, par la police et par la force publique, tout ce qui était nécessaire pour contenter au moins toutes les passions légitimes des individus, il lui eût donné par cela même le moyen de détruire tous leurs droits et de négliger tous leurs besoins. Ainsi, pour que l’état social ne devînt pas à l’individu plus dommageable que l’état de nature, il a borné les droits et les pouvoirs de la société à la mesure nécessaire pour