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CHAPITRE XV.

poser que, dans le sacrifice que chacun a fait d’une petite partie de sa liberté, il ait pu risquer son existence, le plus précieux de tous les biens[1] ?

Si cela était, comment accorder ce principe avec la maxime qui défend le suicide ? Ou

  1. « Trop de rigueur contre un coupable révolte l’humanité ; et il n’est pas bien décidé par les principes du droit naturel, à quel point la vie d’un homme est au pouvoir des autres hommes. » (Le baron de Bielfeld, Institut. politiq., chap. 4.)

    — C’est parce que la vie est le plus grand de tous les biens, que chacun a consenti que la société eût le droit de l’ôter à celui qui l’ôterait aux autres. Personne, sans doute, n’a voulu donner à la société le droit de lui ôter la vie à tout propos ; mais chacun, occupé de conserver la sienne, et aucun ne prévoyant pour lui-même la volonté qu’il n’avait pas alors d’attenter à celle d’autrui, tous n’ont vu que l’avantage de la peine de mort, pour la sûreté, la défense et la vengeance publique. Il est aisé de concevoir que l’homme qui dit : « Je consens qu’on m’ôte la vie, si j’attente à la vie des autres, » se dit à lui-même : « Je n’y attenterai pas ; ainsi la loi sera pour moi, et ne sera pas contre moi. » Ce pacte est si bien dans la nature, qu’on le fait souvent dans des sociétés particulières, comme les conspirations, où l’on jure de se baigner dans le sang de celui qui révélera le secret. Quant à la justice de cette peine, elle est fondée sur la convention et sur l’utilité communes. Si elle est nécessaire, elle est juste. Il reste à savoir si elle est nécessaire. (Note de Diderot.)