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CHAPITRE XV.

l’on doit en attendre, il suffit que le mal qu’il cause surpasse le bien que le coupable a retiré du crime. Encore doit-on compter comme partie du châtiment les terreurs qui précèdent l’exécution, et la perte des avantages que le crime devait produire. Toute sévérité qui passe ces limites devient superflue, et par conséquent tyrannique.

Les maux que les hommes connaissent par une funeste expérience, régleront plutôt leur conduite que ceux qu’ils ignorent. Supposez deux nations chez lesquelles les peines soient proportionnées aux délits. Que chez l’une, le plus grand châtiment soit l’esclavage perpétuel, et chez l’autre le supplice de la roue. Il est certain que ces deux peines inspireront à chacune de ces nations une égale terreur.

Et s’il y avait une raison pour transporter chez le premier peuple les châtimens plus rigoureux établis chez le second, la même raison conduirait à augmenter pour celui-ci la cruauté des supplices, en passant insensiblement de l’usage de la roue à des tourmens plus lents et plus recherchés, et enfin au dernier raffinement de la science des tyrans.

La cruauté des peines produit encore deux résultats funestes, contraires au but de leur établissement, qui est de prévenir le crime.