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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Non, pas celui-là, un plus vieux : le tien, par exemple.

— À quoi bon ? quelle folie !

— Bien ; maintenant ton plus vieil habit, celui qui te fait ressembler quelquefois à un procureur.

— Mon plus vieil habit ? qu’en voulez-vous faire, grand Dieu ?

— Tu le sauras après. Bon ; les lunettes de ma gouvernante Gertrude, elles sont là sur sa chaise. Donne-moi avec elles ma plus vieille canne.

Barailles obéit. Lauzun venait de ramener sur son front les boucles de sa perruque, il paraissait voûté, cassé comme un vieux tuteur.

— Fort bien, reprit Barailles, je devine. Mais vous allez l’épouvanter, monsieur le comte, cette douce et frêle colombe. Je crois voir marcher un siècle !

Où courez-vous ? où allez-vous donc ainsi ? ajouta Barailles en voyant Lauzun demander lui-même, par la fenêtre, ses chevaux à son cocher.

— Au couvent des Filles de la Croix, reprit Lauzun, je serai ici dans une heure.

Et quelques minutes après, le comte, ainsi travesti, s’élançait dans son carrosse.


XIII

À BON CHAT, BON RAT.


Il était huit heures du soir ; le carrosse du comte s’arrêta bientôt devant le couvent des Filles de la Croix.

C’était une de ses voitures les plus délabrées, Barailles l’avait usée à courir la poste pour lui, durant sa prison ; elle ressemblait à une brouette de province.

La cloche de la récréation venait de tinter, une tourière avertit bientôt la supérieure qu’un ami de M. Leclerc demandait à lui parler.

Grâce à son déguisement, Lauzun ne fut pas reconnu de