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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

velle. Il est vrai que depuis notre retour nous ne nous sommes guère mis en frais pour elle.

— La cousine du roi est habituée à l’obéissance, dit Lauzun.

— Et vous n’êtes guère obéissant, cela est vrai. Depuis votre retour, lui témoigner si peu d’empressement, se borner à lui écrire…

— Mais elle se dit malade !

— En ce cas, monsieur, c’est à vous d’être son meilleur et son premier médecin.

— Un joli emploi !

— Écoutez donc, c’est elle, après tout, qui vous a fait sortir de Pignerol.

— Oui, mais à quelles conditions ? Je rentre ruiné, dépossédé, et par-dessus le marché, tu le vois, elle me menace de ne plus subvenir à mes dépenses.

— C’est-à-dire, reprit Barailles, que Mademoiselle voudrait vous couper les vivres. Jolie liberté que la vôtre, ma foi ; autant valait Pignerol ! Là, du moins, il vous était permis de vous promener dans la cour avec Paquette. Vous étiez libre, à la liberté près… Et puis cette Paquette était si gentille !

— Tu m’en fais souvenir, elle avait de grands yeux bleus. Il y eut un jour où madame d’Alluye en fut jalouse.

— Je le crois, parbleu ! Là pauvre enfant était ce jour-là tout en larme, et je crois, d’honneur, qu’elle n’en était que plus jolie. Je ne sais ce qu’elle pouvait vous demander, mais vous lui promettiez que si jamais elle avait besoin de vous, à votre sortie de prison, vous lui viendriez en aide. Par forme de remerciement, Paquette vous embrassa, elle était folle de joie. La vôtre fut courte, monsieur le comte, madame d’Alluye entrait.

— Cette pauvre Paquette ! Et tu dis donc, Barailles, qu’elle est malheureuse ?

— J’en mettrais ma main au feu ! Un père cruel, quelque