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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Paquette ? Attends donc, n’est-ce pas cette belle enfant qui m’envoyait des bouquets dans mon cachot, et courait sur les remparts de la prison comme une jeune biche ? Elle était si jolie, qu’on l’avait surnommée la fée de Pignerol. Comment ! elle est ici ? qui l’a amenée, réponds ? continua Lauzun étonné.

— Pour cela, monsieur le comte, je n’ai rien trouvé de plus simple que de le demander à la personne qui l’accompagnait ce qui m’a valu, je puis le dire, une jolie scène.

— Quelle était cette personne ?

— Un homme sec, âgé, que j’ai appris se nommer Leclerc, et être partisan de son état.

— Un financier !

— Ce grave personnage donnait le bras à notre petite. Comme il y a aujourd’hui halle aux fleurs, il était même en train de lui acheter une corbeille, quand à mon aspect elle a laissé échapper une exclamation de surprise.

— Monsieur Barailles ! s’est-elle écriée d’un ton de voix à me faire passer, pour ses beaux yeux, sur vingt piques.

— Paquette ! ai-je répondu en m’avançant, mon feutre à la main, sans faire attention que ma plume allait entrer droit dans l’œil de celui qui l’accompagnait.

— Faites donc attention, monsieur, a grommelé le vieux traitant. Qui êtes-vous pour vous permettre d’aborder ainsi ma fille ?

— Sa fille ! ai-je repris en regardant Paquette avec surprise. Allons donc, c’est impossible. Monsieur, mademoiselle que voici est bien Paquette ?

— Tournez-moi les talons, a-t-il repris, et partez vite.

Je répondis à ce bourru que j’avais l’honneur d’appartenir à M. de Lauzun.

— Raison de plus, s’est-il écrié, en regagnant rapidement l’une des arcades de la place ; je voudrais le savoir encore à Pignerol.

Là-dessus, il a entraîné sa fille en me fermant très malhonnêtement la porte au nez.