Un bruit de pas vint l’arracher à la douceur indéfinissable de ce rêve : c’était Barailles qui entrait…
XII
LA FÉE DE PIGNEROL.
Barailles se présenta à Lauzun d’un air affairé.
— Qu’as-tu donc ? lui demanda le comte, désolé de se voir arraché si tôt à son rêve, viendrais-tu encore me présenter des comptes et me demander des signatures ? Je t’avertis que je suis de mauvaise humeur. D’où sors-tu ?
— De la place Royale, monsieur, où je puis bien dire avoir rencontré le financier le plus bourru.
— Quelque juif à qui tu auras voulu emprunter, je gage ? Mademoiselle m’envoie plus de sermons que d’écus, tu seras peut-être allé à la découverte d’un vieux traitant.
— Un vieux traitant, oh ! oui, pour cela, vous avez raison, monsieur le comte, j’en ai vu un, répondit Barailles et un fameux ! Mais, je dois le dire, ce n’est pas pour lui que j’allais de ce côté…
— Et pour qui donc ?
— Ah ! dame, c’est mon secret.
— Un secret avec moi ! Paris t’aurait-il déjà changé ?
— Eh bien, non, monsieur le comte, j’avais reconnu une jeune qui vaut bien, croyez-le, qu’on se déplace pour elle.
— Oui-da ! une jeune fille ! et quelle est-elle ? demanda Lauzun en jouant l’indifférence ; comment, mon cher Barailles, voudrais-tu d’aventure te lancer dans l’hyménée ?
— Pas le moins du monde ; mais enfin, cette jeune fille…
— Eh bien, parle, je suis sûr que tu vas me bâtir un roman de ta façon. Sois court.
— Monsieur le comte, reprit Barailles, se souvient-il encore de notre jolie Paquette ?