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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Lauzun venait de réfléchir que la raillerie seule pouvait triompher de cet étrange adversaire, en voyant arriver Grammont et de Guiche ; il se résolut donc à ne pas marchander le maréchal.

— Venez donc, messieurs, leur cria-t-il du plus loin qu’il les aperçut, venez que je vous présente le héros, le vainqueur du jour, l’immortel M. de Roquelaure ! C’est mal à vous d’arriver si tard à ce déjeuner que je vous donnais à son honneur ! Il y a deux jours, il s’est battu à Vincennes avec M. d’Alluye.

De Guiche et Grammont se regardèrent stupéfaits. Roquelaure crut rêver.

— Mon cher Roquelaure, continua Lauzun en se tournant tout d’un coup vers lui et en lui pressant la main, combien je vous remercie. Se battre pour un motif si beau, si noble, si glorieux ! Car, vous ne le savez peut-être pas, messieurs, il ne vous l’aura point dit, c’était pour reprendre une correspondance amoureuse que M. de Roquelaure a mis l’épée à la main. Ah ! il ne souffre pas qu’on le mystifie, le cher maréchal, il est ferme sur ses arçons ; aussi devions-nous faire violence à sa modestie. J’ai prévenu de sa belle conduite les personnes intéressées : madame de Monaco, sa conseillère favorite ; la maréchale elle-même… Ah ! elles vont venir, vous leur parlerez, sans compter qu’il va se voir inondé de cartes, de sonnets, de lettres flatteuses. Pour le tribunal des maréchaux de France, il ne le craint pas, il en est…

— Monsieur de Lauzun, murmura Roquelaure les dents serrées par la rage.

— Vous le voyez, poursuivit le comte, il est courroucé, furieux, parce que je lui rends justice. Viens à mon aide, Grammont, et fais-lui comprendre qu’après un pareil exploit…

Mais voici du monde, un bruit de voitures dans la cour… nous sommes en force cette fois… il ne peut nous échapper. Que vois-je, ajouta Lauzun étonné lui-même, la jolie mar-