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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

voir ; l’heure pressait, toutes deux devaient venir le relancer.

Roquelaure ne cessait de vanter le vin de Lauzun.

— Tudieu ! mon cher comte, que ce vin a dû vous sembler meilleur après votre coup d’épée de Vincennes ! Je n’ai soufflé mot à qui que ce soit de la promenade en question, mais on vous vante partout. Quel modèle accompli de toutes les grâces ! me disait encore hier madame la maréchale de Roquelaure. Quel ami vous avez là, reprenait la princesse de Monaco en s’adressant à son mari.

— Vous avez donc bien voulu, demanda Lauzun, remettre au prince le dépôt dont je vous avais chargé ?

— Certainement, comme il m’a remis celui qui me concerne. Je ne l’ai point ouvert, il revient de droit à madame de Roquelaure. Et tenez, mon cher comte, je les ai là tous deux, le prince de Monaco m’ayant prié de donner à ces dames ce qui leur revenait de droit.

— Ainsi, vous vous êtes chargé…

— De remplir vos intentions, comment donc ! ajouta Roquelaure en se levant ; tenez, c’est comme ce carnet que je compte, si vous le permettez, porter des à présent à madame d’Alluye.

— Madame d’Alluye… ce carnet ? balbutia Lauzun devenu pâle ; ce carnet est le mien, monsieur de Roquelaure, vous allez me le rendre, sinon…

— Sinon, vous vous battrez avec moi, monsieur le comte, n’est-il pas vrai, c’est cela que vous voulez ? demanda Roguelaure en ricanant ; mais il n’y a à ceci qu’une petite difficulté : je ne me bats jamais avec mes amis, mes bons amis… ajouta le duc en appuyant sur le mot.

— Monsieur le maréchal, ne me forcez pas à oublier…

— Le respect que vous me devez ? Je vous en dispense, monsieur le comte ; seulement, je vous le répète, vous n’aurez pas ce carnet, vous ne l’aurez pas tant que j’aurai un souffle de vie.

Roquelaure s’était dressé comme un coq sur la pointe de ses ergots, le comte sourit de pitié.