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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

le duc de Roquelaure ose aimer la jolie marquise d’Alluye ; il la poursuit, la chansonne, en un mot, il finira par l’ennuyer tellement, qu’elle retournera dans sa Touraine. Cest à lui, d’ailleurs, que je dois cette belle rencontre avec monsieur d’Alluye.

— Eh bien ?

— Eh bien, mon cher Barailles, j’avais sur le cœur les méchancetés du petit homme à mon bal ; mais comme j’avais affaire à monsieur d’Alluye, et que Roquelaure était à l’abri de mon épée, j’ai voulu du moins lui jouer un tour cette fois-ci.

— Expliquez-vous.

— Du tout, je préfère te laisser le plaisir de la surprise. Contente-toi de savoir que j’ai réglé moi-même le programme de cette journée ; aide-moi donc seulement. À la fin de ce déjeuner, Grammont et de Guiche viendront peut-être ; tu les introduiras, je compte sur toi.

Lauzun achevait à peine ces mots, quand un coup assez brusque retentit à la porte de la chambre à coucher ; une voix nasillarde semblait élever en même temps son diapason ordinaire et chercher querelle aux valets du comte.

— Allons donc, ne me reconnaissez-vous pas ? Çà, qu’on m’annonce vite, je suis pressé. Votre maître pense-t-il me faire faire ici le pied de grue ?

— La voix de Roquelaure ! dit Lauzun, allons vite, mon cher Barailles ! Habille-moi, pommade-moi, et tire surtout mes rideaux.

Barailles obéit ; grâce à lui, il fit jour enfin dans cette chambre où le duc de Roquelaure entra bientôt d’un air assuré. Il était vêtu fort richement et ressemblait presque à un petit-maître ; ses canons et ses broderies surprirent Lauzun. Le sourire narquois du petit homme le déconcertait. Roquelaure lui fit en entrant une foule de politesses.

— Cela est étrange, murmura Lauzun, je m’attendais à le trouver furieux.