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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Il allait rattacher la clef au trousseau, quand une idée de crainte vint traverser son esprit.

— Si l’on me volait ce trésor ! murmura-t-il sourdement, le trésor de ma vengeance !

Il prit la clef et la renferma dans un coffret.

— Là du moins, pensa-t-il, elle est en sûreté. D’ailleurs, qui pourrait me la prendre ? ajouta le vieillard après une pause, ne suis-je pas toujours seul ? Cette maison, mon Dieu ! n’est-elle pas un tombeau ?

Il finissait à peine ces paroles, quand un coup léger retentit à sa porte, et presque au même instant une belle jeune fille entra dans l’appartement. Dame Ursule, gouvernante du vieillard, la précédait.

L’arrivée imprévue de cette personne, la grâce de son maintien et de sa démarche, tout, jusqu’à l’heure avancée où elle se présentait dans sa demeure, étonna le vieillard à un tel point, qu’il ne put trouver d’abord une parole. Il observa tour à tour sa gouvernante et la demoiselle à laquelle elle servait d’introductrice.

Le trouble de la jeune fille égalait au moins le sien, et ce ne fut qu’avec un secret sentiment de crainte qu’elle se décida à lui présenter une lettre.

À la seule vue de son cachet, les yeux du vieillard parurent s’animer. Cette lettre était celle d’un ami ; elle était signée d’un nom qui lui était cher.

Voici les simples lignes qu’elle contenait :

« La personne qui vous remettra cet écrit, mon cher Leclerc, est une jeune fille que le malheur rendrait digne de votre pitié, si elle ne méritait l’estime et l’intérêt à d’autres titres. Des revers cruels l’obligent à cacher son nom dans Paris, je vous la recommande comme ma fille. Exilé moi-même pour avoir soutenu la cause du surintendant, je vous adresse cette lettre de la Haye, où j’ai dû me retirer pour éviter le courroux du roi ; bientôt, je l’espère, et grâce au crédit de mes amis, je pourrai rentrer en France. Alors seulement j’irai vous demander compte d’un dépôt