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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

tesse de Lauzun et Saint-Preuil reconnurent pour celle de M. d’Alluye, le gouverneur.

Madame de Lauzun garda le silence. Égarée, à demi morte, elle ne voyait déjà plus qu’à travers un nuage les objets de cette chambre.

Saint-Preuil s’était croisé les bras, il attendait debout, immobile…

— Obéissez au roi ! reprit de nouveau la voix de M. d’Alluye.

Presque an même moment une balle traversa la porte de la chambre et s’en fut briser le verre qui encadrait l’image de Luther, suspendue à la muraille.

Les débris de verre jonchèrent le parquet.

Une indicible stupeur succéda chez la comtesse à ce coup inattendu, il produisit sur elle l’effet d’une vision… Saint-Preuil vit bientôt son regard appesanti s’allumer d’une flamme soudaine, des effluves célestes, inattendues, baignaient son front.

À la voir ainsi, on eût dit que sa force venait d’en haut…

Déchirant avec rapidité le premier feuillet de sa Bible, elle y écrivit dessus trois lignes à la hâte.

— Vous remettrez ceci à monseigneur d’Agen, dit-elle en donnant le feuillet à Saint-Preuil ; prenez, lui seul vous protégera !

— Oh ! merci, merci ! ma vie désormais, ma vie tout entière à vous !

— Mais par où fuir ? continua-t-elle d’une voix étranglée par la frayeur.

— Par ici, vous dis-je, ce fossé… oui… il n’y a que ce moyen.

— Malheureux ! mais c’est la mort !

— Non, si vous me donnez ce livre, ce livre saint dont vous venez de déchirer la première page… Il sera mon talisman !

— Oui, vous avez raison, oh ! oui, il vous a sauvé !

Elle lui tendit la Bible.