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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Une lettre de M. le comte, madame ; il n’a pu venir vous voir en cachette comme ces jours-ci, attendu qu’il a joué à la paume avec trois de ses amis, et de là à la bassette. Il s’excuse sans doute, lisez.

La dame parcourut la lettre. Tout en la lisant, elle hochait la tête et frappait du pied avec impatience.

— Il suffit, reprit-elle en congédiant son messager, laissez-moi.

Elle remonta alors à la petite chambre qu’elle occupait au premier étage de cette maison qui n’en avait que deux, et qu’un large fossé, au talus plein d’herbes et de roseaux, entourait comme une ceinture de défense.

La pièce qu’elle habitait dans cette demeure, sorte d’ancien presbytère, avait une fenêtre donnant sur la Loire ; de cette fenêtre, l’œil embrassait la façade du château d’Amboise.

La dame se plaça à l’appui de cette ouverture, encadrée dans de larges bouquets de sureaux et d’aubépines.

L’orage commençait à devenir intense ; des éclairs rougeâtres sillonnaient le château. La dame compta une à une chaque lumière qui s’éteignait dans le vaste corps de logis ; quand elle fut à celle qui partait de la chambre de Lauzun, elle mit la main sur son cœur comme pour en contenir les battements. Cette lumière une fois éteinte, la dame fit signe à sa camériste de refermer la fenêtre.

S’approchant d’un guéridon à pieds de biche où reposait une Bible, elle l’ouvrit en s’asseyant dans un grand fauteuil.

Le calme de cette chambre avait je ne sais quoi de particulier et de triste… Rien de ce qui compose les délicatesses de luxe ne l’entourait ; sa tapisserie tombait en lambeaux, le mobilier consistait en deux chaises de paille, un fauteuil éraillé, une table et deux images collées au mur. Ces deux images étaient encadrées sous verre.

L’une représentait Luther, l’apôtre de la réforme l’autre une des lumières du clergé de France, Mascaron, alors évêque d’Agen.