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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

tais regretté ! à qui dois-je ici ma meilleure oraison funèbre ? À M. de Monaco, peut-être ; en ce cas, je le remercie. Ce cher prince, il veut bien aussi assister à mes obsèques ! Convenez, messieurs, que vous êtes un peu surpris de me revoir. Un homme mort sous les verrous, un homme dont vous venez d’entendre ici les dernières volontés ! Ah ! madame de Roquelaure lit comme un ange, bien qu’elle ait passé certain article qui la concerne…

Madame de Roquelaure lança à Lauzun un regard furieux ; elle eût pâli sans son rouge.

Lauzun salua tour à tour l’Olympe des déesses ; il fut enjoué avec madame de Monaco, galant avec mademoiselle Colbert, empressé près de mademoiselle de Créquy, caustique avec madame d’Humières. Pour mademoiselle de Retz, elle attendit vainement un coup d’œil, et il ne parla pas à madame d’Alluye.

— Mais que venez-vous donc faire ici, monsieur le comte ? lui demanda madame de Roquelaure.

— Oui, monsieur, pourquoi nous avoir rassemblés ici ? reprit le prince de Monaco.

— Eh ! mon Dieu ! mesdames, pour danser une contredanse. Un prisonnier comme moi n’est pas fâché de se délier les jambes. Faut-il vous le dire aussi ? J’ai voulu savoir si l’on m’aimait toujours dans cette bonne ville de Paris.

— En pouvez-vous douter ; reprit madame d’Humières en lui parlant tendrement et à voix basse ; ne vous l’ai-je pas écrit à Amboise comme à Pignerol ?

— Feu M. le surintendant, madame, n’en doutait pas plus que moi, répondit le comte avec une teinte d’ironie.

— Qui a pu prétendre ? reprit la maréchale avec hauteur…

— Écoutez donc, ma chère, même mensonge, mêmes lettres. Ma chère maréchale, les morts ont le droit de donner des conseils, écoutez le mien : Variez un peu votre style épistolaire…

— Que voulez-vous dire ?