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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

quelle on voit figurer madame la marquise de Richelieu, de Notre-Dame. Son portrait avait été gravé par Bonnard, elle était fort belle. Elle avait traversé la cour brillante de Louis XIV au milieu des médisances et des chansons du temps ; le prince de Conti ne fut pas, dit-on, insensible à ses charmes. Ce jeune prince, sur qui Regnard a fait de si beaux vers, éprouvait, on le sait, une vive douleur de l’inaction dans laquelle la prudence de Louis XIV (à qui les troubles de la Fronde avaient fait connaître le danger de donner trop d’influence aux princes du sang) le laissait. Adoré du peuple et des grands, modeste et sage dans sa popularité, il fut cependant éloigné toujours du commandement des armées du roi, que les favoris de madame de Maintenon abreuvèrent d’humiliations et de revers.

Dans tout ce que le lecteur vient de lire sur Lauzun se retrouvent nécessairement en première ligne les mœurs du temps. Elles ne manqueront au besoin ni de censeurs ni d’apologistes. Cette mobilité perpétuelle dans la passion, ces allures à la fois galantes et brutales étonneront tous ceux qui n’ont pas lu les Mémoires. Ce n’est point à nous qu’il appartient de corriger leur verdeur vis-à-vis de leurs leçons. Ceux qui ne verraient dans Lauzun qu’une image saisissante de l’orgueil fantasque, dangereux et révolté, se tromperaient. La prédestination exista pour lui plus que pour tout autre ; il expia sa célébrité et ses fautes jusque dans ses descendants. Le Lauzun de Louis XVI fut un traître, celui de Louis XIV n’avait été qu’un ambitieux. Ainsi, dans les temps voulus, Dieu, à qui seul appartient l’orgueil, se venge de ces hommes coupables. Leur royauté périssable n’a eu qu’un temps, et quand ils ont cessé d’étonner le monde par le spectacle de leurs vanités, il ne reste d’eux que l’enseignement laissé par leurs vices.

fin

Poissy. — Typ. St Lejay et Cie.