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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

tout d’un coup : il venait de voir les yeux immobiles de Lauzun qui le regardaient dans l’ombre.

— Vous ici ! demanda-t-il, vous, monsieur le comte ? Ah ! c’est là un coup du ciel !…

— Oui, le ciel permet, reprit Lauzun, que je vous aide, Saint-Preuil, à accomplir ici un triste devoir. Plus d’une fois, croyez-le, je viendrai visiter ici cette tombe…

La dernière pelletée de terre jetée sur Henri, Saint-Preuil serra la main à Lauzun.

— Où allez-vous, comte ? lui demanda-t-il, il faut fuir.

— En Angleterre, répondit Lauzun ; et vous, Saint-Preuil, où vous reverrai-je ?

— Pas ici, mais à la Trappe !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ce qui suit se rattache de trop près à l’histoire de l’hôtel Pimodan, pour que nous le passions sous silence.

Il ne fallut rien moins, on le sait, que Jacques II pour faire rentrer en grâce le comte de Lauzun près de Louis XIV. La reine d’Angleterre et le jeune prince de Galles passèrent en France sous sa conduite. Le roi lui donna l’ordre du Saint-Esprit, et Jacques II celui de la Jarretière. Il fut fait duc et duc vérifié, il reprit sa vie brillante, fastueuse. Ce qui eût dû le toucher ne le toucha point, il mena le deuil de l’unique héritière de la maison de Montpensier en ricanant. Il n’aimait pas qu’on fît devant lui l’éloge de Mademoiselle, et il lui en voulait de n’avoir jamais pu lui faire rendre sa charge de capitaine des gardes par le roi. La fille de la maréchale de Lorge, qu’épousa Lauzun en secondes noces, ne fut plus heureuse avec lui qu’en ce qu’elle fut moins jalouse. L’hôtel de Lorge succédait alors à celui de l’Île Saint-Louis ; Lauzun avait vendu ce dernier le 30 mars 1685, au marquis de Richelieu, qui, par suite d’une bizarrerie nouvelle de son beau-père, le duc de Mazarin, de burlesque mémoire[1], se trouvait alors sans domicile. Ce

  1. Le marquis de la Meilleraye, devenu duc de Mazarin par son