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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

le désir de se venger. Le chiffre en diamants envoyé par lui de la veille à mademoiselle de Fontanges était moins une œuvre de tendresse que d’habile courtisanerie : c’était à la favorite, non à la maîtresse qu’il s’adressait. Madame de Montespan n’observa pas sans un secret déplaisir que le comte, interpellé à ce sujet, niait le cadeau effrontément.

— Serait-il possible, reprit-il négligemment, que je fisse attention à cette petite fille ? Ses parents ne se sont-ils pas vus obligés de boursiller entre eux pour l’envoyer à la cour, et sans l’entremise du prince de Marsiliac auquel Sa Majesté à cru devoir donner pour récompense la charge de grand veneur, y aurait-elle fait figure ? Sans compter qu’il est clair qu’elle a eu des amourettes dans sa province, et qu’elle n’a enfin ni éducation, ni esprit.

Le comte disait cela d’un air si persuadé, que madame de Montespan hésita.

— Il est vrai, reprit-elle, qu’elle ne vaut pas la peine qu’on crève des chevaux après elle, comme mademoiselle de Retz.

— Essayez de fuir quelque jour, ma chère marquise, osa répliquer Lauzun, nous verrons si les relais des grandes routes y suffisent. Mais que me parlez-vous d’autres femmes qui n’ont pour elles que la furie de l’engouement ? C’est de vous dont je veux m’occuper exclusivement à ce bal ; voyons, m’accordez-vous l’honneur de la première courante que vous danserez ? demanda le comte avec un empressement de comédien.

— Ce n’est qu’avec le roi que je dois danser ce soir, répondit-elle d’un ton d’ennui affecté ; aussi, mon cher comte, prévoyant le chagrin que vous causerait mon refus, je viens de faire pour vous vos invitations à ces dames.

— Quoi ! vous avez cru devoir…

— Sans doute, c’est l’affaire d’une maîtresse de maison. Vous pensez que je leur ai choisi d’abord tout ce qu’il y a de mieux ; aussi vos danseuses, continua-t-elle en parcou-