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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

témoin. Ce jeune homme trouvera d’ailleurs M. de Lauzun au bal de demain chez la marquise.

— Et je vous y présenterai, reprit d’Alluye. À dater de ce jour, je vous protège, monsieur.

D’Alluye et Lavardin sortirent en échangeant entre eux un signe d’intelligence. Henri Leclerc les suivit.

— Il faut vous mettre en armes, reprit d’Alluye une fois dehors, notre homme est rude.

Tous les trois entrèrent chez Rivalot, ancien écuyer de Monsieur, qui se faisait honneur d’avoir montré l’escrime à Bussy.


XV

LE SERMENT.


Le matin même où cette scène avait lieu dans le cabaret de la Belle épée, une scène plus horrible se passait dans l’appartement de mademoiselle Fouquet, à l’hôtel même de madame de Lauzun, où Saint-Preuil avait reconduit la jeune fille.

Un vieillard, les traits en désordre, la voix tremblante, le front pâle, était parvenu à se frayer passage au milieu des valets qui encombraient l’antichambre ; dès qu’elle l’aperçut, mademoiselle Fouquet donna l’ordre qu’il entrât.

La douleur et le désespoir semblaient avoir épuisé tellement les forces de cet homme, que la jeune fille fut quelque temps à le considérer en silence.

Ses yeux étaient caves et rongés par l’insomnie ; tout son corps semblait courbé comme sous un fardeau ; il fallait qu’un combat cruel l’eût brisé, car à peine entré, il se laissa tomber de faiblesse sur un fauteuil.

— Monsieur Leclerc ! s’écria la jeune fille, vous ici !

Mademoiselle Fouquet ignorait encore la délivrance du malheureux partisan ; elle-même sortait d’une lutte fatale ; en proie au délire, à la fièvre, elle se souvenait à peine