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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Vous en avez menti, monsieur le duc ! s’écria l’un des auditeurs de Roquelaure, dans lequel il n’eut pas de peine à reconnaître le jeune homme qui semblait suspendu à ses paroles.

Tous les regards se portèrent alors sur lui, et l’on vit un jeune enseigne de bonne mine, les cheveux au vent la main sur la garde de son épée.

Henri Leclerc, c’était lui, s’approcha du duc et lui dit à demi-voix :

— Monsieur le duc, je suis militaire, prouvez-moi que vous l’êtes ou que vous l’avez été.

La voix de Henri était brève, impérieuse, irritée… Le duc se troubla, mais reprenant bientôt son assurance :

— Vous savez aussi bien que moi, monsieur, que ce que vous demandez est impossible. Je suis placé trop haut pour vous rendre raison, et votre folie suffirait à vous faire destituer, peut-être même renfermer à la Bastille.

— N’importe, monsieur le duc, répliqua Henri avec assurance, je suis prêt à me dépouiller de mon uniforme pour vous faire rétracter. Ce que vous avez avancé là est un mensonge ; oui, monsieur, un mensonge, car je connais celle que vous déshonorez publiquement. Mademoiselle Leclerc n’a pas mis le pied chez le comte de Lauzun !

— Puisqu’il faut vous donner des preuves certaines, reprit le duc, je veux bien vous dire que ce mouchoir ramassé par moi…

Et le duc fit voir au jeune homme un mouchoir brodé, qu’il avait, disait-il, ramassé dans cet embarras de charrettes au pont Marie. Henri le reconnut pour avoir trouvé le pareil chez son père et l’avoir porté souvent à ses lèvres. Un nuage passa sur son front et sur sa vue ; il eût préféré un coup de poignard à ce qu’il souffrait. La veille, il avait apporté la bague à mademoiselle Fouquet, en lui faisant promettre de la lui rendre dès le lendemain, qu’en avait-elle fait ? où s’était-elle rendue ? Ce matin même, Henri, épuisé par l’insomnie et la fièvre, Henri, qui n’avait pas osé