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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Prud’nomme, un juif, un grippe-sou !

— C’est votre caissier. Il m’a dit qu’en vous pressant, vous consentiriez…

— À rien, à rien, monsieur, interrompit le comte, à moins que… Par ma foi, Riom, c’est là une idée, reprit-il en fixant un regard diabolique sur son neveu.

— Que voulez-vous de moi ?

— Que tu te charges de madame de Pontchartrain, mon bon, mon cher Riom, moi j’en aurais peur ; on dit qu’elle a bec et ongles…

— Et vous voudriez qu’elle m’égratigne ? Non pas, vous l’attaquerez de front comme mademoiselle de Retz.

— Mais si elle se gendarmait ? c’est une maîtresse femme.

— Bah ! vous saurez bien en triompher comme de madame d’Humières. C’est convenu ; moi je suis simple témoin.

— Riom, il serait temps que je fisse quelque chose pour vous !

— Ah ! mon oncle, dit Riom, en lui prenant les mains affectueusement, je vous reconnais bien là ! qu’allez-vous faire ?

— Riom, mon ami, je veux te nommer mon historien.

— Moi, mon oncle ?

— Certainement, le roi a bien Pelisson.

— Et ses émoluments sont convenables, reprit Riom. Mais, mon oncle, je vous ferai observer que vos plus beaux faits surpassent ceux de Sa Majesté. Celui-ci, par exemple. C’est seulement dommage que la Pontchartrain en soit.

— Riom, dit Lauzun en retirant tout d’un coup sa tête de la portière du carrosse, cette fois je ne me trompe pas, vois toi-même.

— C’est le carrosse bleu, reprit Riom, ivre de joie, en gesticulant et en criant.

Lauzun lui-même ne se tenait plus de joie, on eût dit d’un éclaireur qui a surpris l’ennemi. Il avait le vertige, lui Lauzun !