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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

demoiselle Fouquet avec fermeté, seulement on s’est trompé sur le nom du séducteur, cet homme n’était pas mon père.

— Et qui donc ? demanda le comte en cachant mal son trouble sous un masque d’intérêt.

— Celui à qui mon père avait donné lui-même cette bague, monsieur le comte, cette bague avec ses armes.

— Ce sont bien les siennes, répondit Lauzun avec une apparente tranquillité.

— Vous les reconnaissez ?

— Sans doute.

— Reconnaissez donc aussi, monsieur le comte, que ce serait le fait d’un homme pervers que de laisser peser sur une mémoire auguste et sainte pour nous deux, un crime, que vous seul avez commis.

— Moi ! dit Lauzun stupéfait.

— Vous. Ne m’avez-vous pas confié que vous teniez cet anneau du surintendant ? Cette bague était votre talisman, disiez-vous ; monsieur de Lauzun, voici le mien sans lui je n’eusse pas consenti à franchir le seuil de cet hôtel, à me rendre à vos instances. Le ciel a permis que cette preuve tombât en mes mains, la nierez-vous ?

— Ne parlons point du passé, si vous m’en croyez, répondit le comte sur un ton d’indifférence, parlons plutôt de vous, de vous, si jeune et si belle. Je veux être ici votre secrétaire. Dictez-moi ce placet, là, sur ce sofa, vous-même.

— Pas avant que vous n’ayez reconnu votre faute par écrit, reprit mademoiselle Fouquet avec dignité. Cette accusation calomnieuse doit tomber devant votre lettre. Quelques lignes de vous rendront à mon père la justice qui lui est due, et au malheureux qui l’accusait en aveugle quelque estime pour vous si votre remords est sincère.

— Par ma foi, ma belle Paquette, répondit Lauzun en riant, vous parlez mieux que Fénelon lui-même. Je voudrais vous voir aux Célestins ou à Saint-Sulpice. Que de