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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Louis quitterait lui-même mademoiselle de Fontanges. Surtout tiens-toi bien, et regarde-toi comme mort. Pas un geste, un cri, quoi qu’il arrive ; je trouverai bien le moyen de te faire sortir, sans être le magicien de l’autre jour.

— Cependant, mon oncle… si on m’allait enlever.

— Tu as peur du diable, toi qui le loges dans ta bourse !

— La voici qui vient ; ah ! mon oncle, qu’elle est belle.

— Motus ! ne va pas l’effaroucher.

— C’est dit, reprit Riom en se cachant sous la portière de velours qu’il tira sur lui.

Mademoiselle Fouquet, en pénétrant dans le boudoir de Lauzun, sentit son courage l’abandonner. Elle allait enfin se trouver face à face avec celui qu’elle ne nommait qu’avec crainte, et dont elle s’avouait tout bas l’amour comme une faute. L’aveu qu’elle comptait exiger de lui, le comte de Lauzun consentirait-il à le faire, l’amènerait-elle à se reconnaître coupable ? La seule vue de cet homme qu’elle avait connu à Pignerol produisit sur elle une impression que rien ne peut rendre ; elle avait en main sa propre lettre, et le comte ne remarqua pas, sans un secret mouvement d’ivresse, que ce papier froissé, terni dans ses lignes, avait dû être relu plus d’une fois par mademoiselle Fouquet. Lorsque son voile tomba, il lui monta au visage un incarnat qui la fit plus belle. Ses yeux, plus purs que le ciel, s’arrêtèrent avec un naïf étonnement sur le splendide boudoir ; elle tint ses bras croisés. En apercevant les mythologiques peintures qui décoraient la frise de cette pièce amoureuse, elle eut un léger mouvement d’effroi, mais sa bague la rassura. Elle la fixa à la dérobée, comme une Espagnole regarde son stylet ; puis, abaissant sur le comte son regard d’ange, elle attendit que, le premier, il lui adressât quelques paroles.

Lauzun était enivré. Non seulement il trouvait la fille du surintendant une adorable créature, mais il savait que Riom le regardait.

Elle arrivait chez lui comme une véritable bonne fortune.