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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— C’est cela, pour le décrier. Ils n’auraient qu’à me prendre pour Satan.

— Tout de même, poursuivit Riom, on n’a rien vu de si incroyable. Êtes-vous bien sûr de n’avoir pas donné votre âme au diable pendant que vous étiez sous les verrous ?

Lauzun ne répondit pas, Barailles venait d’entrer sur la pointe du pied et avec un air mystérieux.

— Monsieur le comte, dit-il tout bas à Lauzun en le tirant à l’écart, c’est une visite que, cette fois, je pense, vous voudrez bien accueillir.

— Laquelle ? demanda Lauzun préoccupé.

— Monsieur le comte, c’est une jeune fille enveloppée d’un long voile, c’est mademoiselle Paquette… je veux dire mademoiselle Fouquet.

— Mademoiselle Fouquet, murmura Lauzun contenant à peine sa joie, fais-la monter, Barailles, je suis à elle, cours vite.

Puis, se retournant vers Riom, dès que Barailles fut sorti :

— Riom, mon ami, ne prétends-tu pas qu’on me croit indigne, à la cour, d’entreprendre encore des sièges amoureux, et qu’on veut me mettre au rang des galants éclipsés, comme la Feuillade ?

— Mon oncle, c’est la vérité.

— C’est le mensonge, c’est la calomnie, Riom ! Lauzun n’est pas encore prêt à céder sa survivance. Ah ! l’on assure, dis-tu, que j’ai perdu la partie ? Eh bien, Riom, tu vas voir ici, de tes propres yeux, quel démenti les femmes donnent à mes détracteurs ; ouvre tes yeux et regarde d’ici la charmante fille qui entre chez moi… Tu ne crains pas, je pense, que le sorcier t’escamote ; blottis-toi dans cette cachette, ou plutôt, non… cela est plus sûr… cache-toi sous cette portière en tapisserie. La personne que je vais recevoir est une perle inconnue de tous ; jamais le roi ne l’a vue mendier un de ses regards à Marly, à Saint-Germain. En un mot, Riom, c’est une beauté pour laquelle