Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

soient donné le mot. — Comment va le comte depuis son accident, demandent-ils, on assure qu’il est fort mal, le diable en personne habite son hôtel, il fait avorter ses projets galants, il le raille, il le promène ! Nous venions savoir s’il était encore de ce monde, ou s’il faisait exorciser son logis ? Allez-vous-en bien vite, messieurs, leur ai-je répondu, monsieur de Lauzun dort bien tranquille ; il n’y a ici ni diables ni sorciers, le temps de madame Voisin est bien fini. Ils se sont en allés d’un air de doute, mais enfin j’ai fait mon devoir.

— Et tu as eu raison, Barailles, vive Dieu, les railleurs ne me vont pas. Je ne puis encore m’expliquer ce tour infernal, mais patience… As-tu bien sondé l’hôtel ?

— De fond en comble, répondit Barailles, monsieur le comte. Ce sera, je n’en puis douter, quelque tour de ce méchant duc de Roquelaure… Mais, encore un coup, vous voilà aussi triste, aussi abattu que M. Fouquet arrêté par d’Artagnan. Un peu de courage, mordieu vous prendrez votre revanche. Tenez, voici vos lettres ; je vais, pendant que vous examinerez votre courrier, donner quelques ordres… À propos, ajouta Barailles, vous savez que madame de Montespan passa hier pour vous voir ; elle était sans doute du nombre des complimenteuses… Comme voici l’époque de la Saint-Louis, elle venait peut-être vous convier ; vous étiez sorti.

— Madame de Montespan, murmura Lauzun ; ah ! si cela est, nous jouerons cartes sur table.

Barailles laissa le comte rêver tout à l’aise ; Lauzun était d’un triste à mourir. Il n’ouvrit pas même les lettres éparses sur son bureau, il craignait peut-être quelque mauvaise nouvelle. Il se représentait la meute de ses envieux le déchirant, Lavardin en tête ; les uns affectant de le plaindre depuis la scène malencontreuse de sa magie blanche dans le boudoir, les autres ne craignant pas d’affirmer qu’il était fini. Les salons de Monsieur et du prince de Conti semblaient changés en autant d’enclumes où Roquelaure