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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

même la douleur d’un tel aveu, ne le relèveriez-vous pas de son effroi par des paroles affectueuses et indulgentes ? Cette scène ne serait-elle pas pour vous la scène la plus inouïe, la plus solennelle de votre existence ? Eh bien, Henri, vous pouvez déjà vous croire en présence de votre père ; vous pouvez, vous son fils, si profondément malheureux et outragé, vous représenter ce père vous tendant les bras. Un mystère fatal, impénétrable, a seul causé son erreur ; mais grâce à votre passive obéissance à ce que je vais vous prescrire, le voile tombera de ses yeux, sa haine fera place aux sincères élans, aux doux transports. En un mot, Henri, vous retrouverez votre père, votre père que je me fais fort de vous ramener, de vous tendre propice et bon ; car, à l’avenir, votre père est mon esclave, il doit m’obéir, sachez-le ; il doit effacer, par une condescendance entière à mes désirs, tout le mal qu’il m’a causé.

— Je ne vous comprends pas, mademoiselle, répondit Henri avec étonnement ; quel mal a donc pu vous causer mon père ? quel pouvoir avez-vous sur lui, surtout quel besoin avez-vous d’un malheureux que vous dédaignez ?

— Il faut, Henri, reprit mademoiselle Fouquet vivement, que vous me rassuriez moi-même, comme je vous l’ai déjà dit, pour ce que je vais tenter. Demain, oui, demain, je dois aborder un grand péril. Sans le talisman que vous seul pouvez me donner, je suis perdue.

— Vous !

— Oui, moi, qui compte triompher pourtant, qui par ce moyen venge mon père, tout en vous rendant le vôtre. Ne m’interrogez pas sur ce qui doit vous sembler une énigme ; ce projet, rien ne saurait m’en détourner ; contentez-vous de ma promesse. Il faut que ce soir même, vous entendez bien, ce soir, vous pénétriez dans la maison de votre père… c’est là qu’est ce talisman.

— Un talisman, dites-vous, et dans sa maison ? Oubliez-vous donc que les issues en sont fermées ? Les gens de jus-