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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Pourquoi donc trembler ? se demanda-t-elle, pourquoi me défier de moi-même ? Tout me dit d’aller chez le comte, j’irai. Mais ce ne sera pas sans mon talisman ; je le veux, il me le faut.

Une pensée soudaine semblait rassurer son esprit. Elle sonna l’un des valets de la comtesse et lui donna un ordre à la hâte.

— Que celui que vous préviendrez, dès demain, dit-elle, soit à huit heures dans le salon de madame de Lauzun.


X

LE VOL.


Huit heures du venaient de sonner à l’église de Saint-Sulpice, lorsque Henri Leclerc se présenta devant mademoiselle Fouquet.

Henri était si pâle, que cette pâleur effaçait la gracieuse expression de son visage ; un désespoir cruel, déchirant, semblait le briser ; il poussa en entrant un soupir si triste que la jeune fille le regarda avec émotion.

— Vous souffrez, lui dit-elle, oh ! oui, vous souffrez, Henri. Votre père est-il plus mal, l’arrêt de ses juges serait-il déjà prononcé, ou bien le malheur n’aurait-il pu l’attendrir à votre égard ? Moi aussi j’ai bien souffert en songeant à vous et à lui. Vous ne me répondez pas, vous regardez la terre d’un œil morne, votre cœur est prêt à se fondre en longs sanglots. Qu’avez-vous ? Le ciel m’est témoin que j’ai uni mes efforts à ceux de la comtesse ; j’ai prié, j’ai supplié. Madame de Lauzun doit ce matin aller elle-même trouver le roi. Toujours le même silence ! oh ! cette fois, Henri, vous m’effrayez ; par pitié, regardez-moi ; c’est moi, c’est bien moi qui vous ai fait venir, car j’ai besoin de vous, je dois vous parler ; n’êtes-vous donc plus mon frère ?