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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

mademoiselle, je dirai au roi tout ce que je sais de M. Fouquet, tout ce qu’il ignore, car les princes ne savent rien. La protection de Mademoiselle m’a remis dans les bonnes grâces de Sa Majesté, elles ne me sont rien sans les vôtres. Indiquez-moi donc un rendez-vous dans lequel nous puissions combiner un plan de défense, un placet que moi-même je présenterai au roi. Vous comprendrez à merveille que la maison de ma mère serait un lieu mal choisi ; en effet, outre qu’elle m’a empêché jusqu’ici de vous voir, la princesse se rend chez elle fort souvent, et elle aussi, vous devez vous en souvenir, a quelques griefs contre vous.

» Fiez-vous donc à moi ; je prendrai tant de soin de cette affaire que je la regarde comme la mienne. La grâce et la beauté de la réclamante ne sont rien pour moi, et cependant, mademoiselle, quels juges ne céderaient pas à ces attraits dont le pouvoir avait déjà troublé mon repos ! Mais je ne dois voir ici que la fille d’un infortuné que j’ai connu, d’un homme auquel chaque jour je me reproche de survivre. C’était lui, mademoiselle, qui méritait sa grâce, et non pas moi. Il vous eût couverte de sa tendre sollicitude, la mienne vous est acquise. Ici comme à Pignerol je pense à vous. Je ne doute point de mon succès si vous acceptez l’offre de mes services et de mon zèle.

» Surtout, pas un mot de ceci à ma mère ; croyez encore une fois, mademoiselle, que pour réussir je n’ai besoin que de vous.

» Signé : Le comte de Lauzun. »

La lecture de ce billet à peine achevée, mademoiselle Fouquet interrogea les battements de son cœur tous lui disaient d’y répondre.

— Serait-ce un piège, pensa-t-elle, que ce dévouement ?… Non ! le comte est généreux.

Elle relut la lettre encore humide de la rosée du bouquet, cette lettre lui sembla brûler ses doigts.