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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

La comtesse regagna ses appartements, et Saint-Preuil conduisit Henri à la chambre de mademoiselle Fouquet.

Le cœur du jeune marin battait avec force au souvenir de la gentille enfant qu’il avait députée, pour ainsi dire, à son père, afin de pénétrer et de fondre la couche épaisse sous laquelle devait se cacher son cœur en ne la retrouvant plus sous le même toit que lui, le découragement l’avait accablé. Depuis la disparition de Paquette, Leclerc s’était renfermé, vis-à-vis de lui, dans le plus froid des silences. Poursuivi, contraint de fuir, il ne songeait guère qu’à sa propre sûreté. L’aigreur de ses manières comblait l’amertume de Henri, mais à la vue de son père captif, il avait tout oublié.

— Mademoiselle, dit-il avec une voix entrecoupée de sanglots, dès qu’il se vit seul près de la belle enfant que Saint-Preuil venait d’arracher à son sommeil ; excuserez-vous un malheureux pour lequel la vie n’est plus rien du moment que celle de son père est en danger ? La calomnie est venue s’abattre en un jour sur le toit paisible qui vous avait abritée ; mon père est en prison, et j’ignore pour quel crime. Vous savez peut-être la cause de cette soudaine arrestation ; mon père vous aurait-il dit…

— Rien, monsieur, absolument rien qui puisse vous diriger dans vos démarches, se hâta de répondre mademoiselle Fouquet avec un trouble égal au moins à celui de Henri ; aussi me trouvé-je en ce moment bien à plaindre. Moi qui voudrais tant vous secourir, moi qui vous avais promis de vous aider comme un frère ! Henri, croyez-le, ce n’est qu’avec chagrin que j’ai quitté la maison de votre père, mais il le fallait, oui, j’ai dû fuir.

— Et cette fuite, Paquette, m’a plongé bientôt dans l’amertume, les larmes. Vous étiez mon seul espoir, et qui sait si votre présence n’eût pas empêché cet acte odieux de s’accomplir ? Oh ! je devais être malheureux, vous nous quittiez !

— Il ne faut pas croire que vous seul soyez malheureux.