Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Mademoiselle Fouquet ! balbutia le comte en se levant ; quoi ! cette Paquette ?…

— Devait ne pas porter le nom de son père tout le temps de sa prison, le surintendant lui en avait fait un devoir, maintenant qu’il n’est plus, elle ose à peine le reprendre, ce nom que tant d’hommes lui reprocheraient comme une tache. Ah ! vous pouvez m’en croire, c’est un noble cœur, une noble enfant que celle-là ! Effrayée de son propre amour, car elle vous aimait, vous qui en êtes si peu digne, elle m’a tout dit, tout avoué, aussi je la sauverai de vous à tout prix !

— Mademoiselle Fouquet ! répéta Lauzun et vous dites qu’elle m’aime ! Ah ! ma mère, permettez que j’aille de ce pas me jeter à ses pieds et lui demander pardon !

— Projet hypocrite, et dont je ne suis pas dupe. Madeleine Fouquet est chez moi ; j’ai connu son père, et vous qui l’avez connu aussi vous alliez outrager ce qu’il avait de plus cher, ce qu’il aimait le plus, ce qui l’a le plus aimé ! Rendez grâce au ciel qui me l’a fait recueillir, cette enfant douce et timide ! vous allez dès ce jour renoncer à cette passion extravagante, impie, odieuse dans un homme tel que vous ! Rappelez-vous, mon fils, que c’est au surintendant que vous devez les commencements de votre fortune. Sa main et son crédit vous ont soutenu ; vous, qu’avez-vous fait pour lui ? La fatalité seule vous a réunis sous les mêmes cachots, c’est à Pignerol que vous connûtes sa fille. Quand elle s’est confiée à moi, la noble et frêle créature, irez-vous la prendre pour jouet, la séduire et l’abandonner ensuite comme tant d’autres ? La Providence a permis qu’une protection inattendue vînt la couvrir, quelqu’un l’a conduite chez moi ; à dater de ce moment elle est ma fille ! Henri, mon cher fils, ne rencontrons-nous pas dans tout ceci le doigt de Dieu ? Les parents de mademoiselle Fouquet se sont retirés dans leurs terres, elle est libre, indépendante. Je la presse en vain d’unir son sort à quelqu’un : — Qui voudrait de moi ? répond cette angélique fille. La dis-