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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Parce que vous obéissez à votre insu même aux mille passions qui vous conduisent. Elles vous mèneront à la lâcheté, mon fils, ajouta la comtesse en se levant avec dignité, oui, déjà vous êtes lâche !

— Est-ce bien vous, madame, vous, qui me parlez ainsi ? demanda le comte avec stupeur. Qu’ai-je donc fait ?

— Vous avez, monsieur, cherché par tous les moyens à détourner une jeune fille de ses devoirs, vous l’avez arrachée de son couvent, vous lui avez écrit de vous aimer, de vous suivre. Cette lettre… la nierez-vous ?…

La comtesse présenta à Lauzun la lettre qu’il avait écrite à Paquette.

— D’où tenez-vous ce billet ? demanda-t-il d’un air de surprise.

— De celle-là même que vous prétendiez abuser, de la jeune fille dont vous ignorez vous-même le nom. Cette fille est maintenant chez moi, sous ma garde ; venez l’en arracher, si vous l’osez !

— Quoi ! madame, un simple enfantillage, un souvenir de ma captivité à Pignerol ! Vous êtes bien sévère ; et puis, que vous fait, après tout, la fille d’un partisan ?

Madame de Lauzun fixa sur son fils deux yeux perçants, son front devint pâle, sa lèvre frémit, cependant elle se contint.

— Et si cette jeune fille n’était pas la fille de Leclerc ? dit-elle en étudiant les traits du comte.

— Alors elle m’aurait menti, ce serait quelque intrigante. Mais non, se hâta de reprendre Lauzun, je la crois sincère seulement, pourquoi n’avoir pas répondu à mon billet ?

— Parce que vous êtes l’un de ces hommes qui se font un jeu de l’honneur, pour qui le malheur et la honte d’une victime ne sont rien, en un mot, parce que vous êtes Lauzun et qu’elle est…

— Achevez…

— Mademoiselle Fouquet, la fille du surintendant !