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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Quand ce ne serait que de celle de votre retour, vous devriez rougir, mon fils ! Rassembler dans cet hôtel les meilleurs noms, les hommes les plus nobles, les femmes les plus admises, pour les livrer à la risée de tout un cercle, pour leur faire entendre la lecture d’un testament injurieux !

— Le roi a su cela ? eh bien, qu’en dit-il ? Je suis sûr qu’il a souri de mon idée, dit Lauzun d’un air fort calme. Donner sur les doigts à ses ennemis, est-ce donc un si grand mal ?

— C’en est un, mon fils, de se mettre en évidence quand on devrait se cacher, vivre enfin pour soi et ne point songer à redoubler le courroux du maître. On parle à la cour de vos folles dépenses en bijoux de Blois, de votre maison de l’Île, et surtout de votre éloignement du Luxembourg. Ceux qui sont le plus dans vos intérêts tremblent des jugements de Dieu sur vous, et ne s’étonnent pas des souffrances que vous avez éprouvées, puisque au lieu d’en avoir fait un bon usage, vous en revenez pire devant le ciel et devant les hommes. Je ne vous demande que d’interroger vous-même vos propres actions. Mademoiselle vous sait en prison, et elle se hâte de réclamer votre grâce. Cette grâce, elle la demande à genoux, à genoux, mon fils, elle ! une princesse du sang royal ! Elle l’obtient enfin après dix-neuf ans de pleurs, de supplications, d’angoisses. Et c’est quand vous devriez l’adorer comme un esclave qu’on vous voit au contraire donner dans tous les excès et vous faire un mérite de votre ignominie. Mon fils, c’est moi qui viens vous le dire ici, mon fils, cela est d’un homme que le ciel punira d’une façon soudaine, éclatante. Vous n’êtes pas coupable envers Mademoiselle seulement, vous l’êtes encore envers moi ! Pendant votre prison, j’avais donné ma parole à Sa Majesté que le malheur avait fait de vous un sage, sinon un chrétien. Vous m’avez fait mentir au premier des rois de la terre, puisse celui qui est le maître des rois ne pas vous en châtier ? Voici une lettre de votre sœur, datée du couvent de Notre-Dame de Saintes ; méditez-la !