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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

La voit du comte était vibrante, sarcastique, il touchait enfin au moment de sa vengeance. Il avait devant lui quatre personnages dont la parole mordante ne l’épargnait pas, soit qu’ils se fissent l’écho de ses ennemis, soit qu’ils agissent par eux-mêmes. L’éclat d’une revanche subite faisait battre le cœur de Lauzun, demain on en parlerait dans toute la ville ; il serait le héros du jour ! Le comte éprouvait un singulier plaisir à se représenter la confusion de ses ennemis, les brocarts pleuvant sur eux. D’un autre côté, ses trois belles captives, haletantes de peur, pressées, étouffées dans la cage étroite qui les recélait, donnaient à ces représailles de Lauzun je ne sais quel parfum âcre, méchant, bien fait pour l’aiguillonner. Nul doute qu’elles ne pussent entendre ce qui se disait, l’épaisseur de la tapisserie était calculée si savamment Pour Lauzun, ces trois portes ressemblaient presque à trois tombes. Le regard alourdi, les joues violettes, le front morne, ses convives ne le virent pas alors sans un certain étonnement se placer au milieu de cette pièce, en prenant une pose hardie, théâtrale.

— J’attends, reprit-il, que l’on m’accorde la permission de commencer.

— Opèrez votre prodige, monsieur de Lauzun ; voyons cela, dit Monaco ; moi j’aime la magie blanche.

— Faites-moi voir le diable, reprit Roquelaure, nous devons être cousins.

D’Humières et Lavardin gardèrent le silence.

— Vous serez tous satisfaits, messieurs, reprit le comte, regardez. Mais observons l’ordre. Monsieur de Monaco, d’abord.

Il frappa du pied contre la boiserie, la porte s’entr’ouvrit, M. de Monaco tendait, pour voir, toutes les fibres de son cou.

— Approchez de plus près et regardez, lui dit Lauzun.

— Rien, murmura le prince rien dans cette armoire ; il y fait nuit comme dans un four. Vous moquez-vous de moi, cher comte ?