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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

mières. Qu’en dites-vous, maréchal ? Cet ermitage me vient de M. de Conti, de tokay, de M. de Luxembourg.

— Ils sont excellents, dit Roquelaure, humant les deux à longs traits. Mais savez-vous, comte, que votre salle à manger vaut tout Versailles ?

— Monsieur de Roquelaure, observez un peu ces singes, dit Lauzun, ils sont peints de main de maître. Vous vous y connaissez, qu’en dites-vous ?

La plaisanterie de Lauzun ressemblait à sa personne, elle était souvent indéfinissable. Roquelaure prit le mot du comte du bon côté, quoique tout le temps du déjeuner, que le comte chercha à rendre court, il se trouva lardé par lui de vingt façons.

— Soupçonnerait-il en moi l’auteur de la lettre ? pensait Roquelaure en dévorant une aile de faisan, tenons-nous bien.

— Messieurs, dit Lauzun, que le souvenir de ses prisonnières tourmentait, ne trouvez-vous pas que nous serions mieux dans le boudoir ? Il y a ici des fauteuils trop courts pour l’embonpoint de M. de Monaco, et puis je m’en veux de n’avoir pas encore présenté mon perroquet à M. de Roquelaure ! Les bêtes ne peuvent que gagner au commerce des gens d’esprit. Monsieur de Lavardin, je vous montrerai une paire d’épées que j’ai fait monter, et avec lesquelles on peut galamment se battre. Voulez-vous, messieurs, que mon danseur l’oscolo vous danse une monférine d’Italie ? Parlez, cet hôtel est peut-être un peu parent du diable ; comme je suis, moi, cousin de Sa Majesté. Que dites-vous d’abord de cette pièce-ci ?

— Galante, fort galante, mon cher comte, dit Lavardin en examinant le boudoir ; on croirait lire un chapitre du Grand Syrus.

— Zamore, dit Lauzun à un petit nègre qui s’avança, fais-nous servir les liqueurs dans cette pièce.

À peine Zamore venait-il de partir qu’un nuage léger parut descendre du plafond, et l’on entendit le son d’une