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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Bien, murmura-t-il, je savais cela. Aucune issue. Maintenant, à celle-ci !

Le comte appuya de nouveau à l’un des angles du boudoir, une seconde porte glissa sur ses gonds. Il en fut de même d’une troisième. Ces trois portes ouvraient sur autant de cabinets noirs, la tapisserie intérieure qui les couvrait ne laissait rien entendre des bruits de l’appartement.

— Vivat ! murmura-t-il après les avoir refermées toutes trois avec précaution.

— Et maintenant, ajouta le comte, maintenant qu’elles viennent, me voilà prêt !

Un éclair de joie inexprimable passa sur ses traits quand il entendit dans la cour le bruit d’un carrosse. Peu d’instants après, un valet de pied du comte lui annonçait une visite, celle d’une dame qui n’avait pas voulu dire son nom.

— Fais entrer, dit le comte, qui semblait s’attendre à l’entrevue.

Le voile qui couvrait la visiteuse l’enveloppait du plus strict incognito, ses mitaines à ruches noires étaient tirées, l’œil le plus indiscret n’eût pu rien voir de son front ou de ses bras. Quand elle se vit seule avec le comte, elle se dégagea bien vite de tout cet attirail de précautions, et laissa voir à Lauzun des épaules, des mains et des dents éblouissantes.

L » princesse de Monaco semblait s’être rappelée, ce matin-là, que Louis XIV l’avait recherchée après Lauzun même, des tons chauds et brillants coloraient son cou de cygne, son sourire était cependant dédaigneux et fier, car elle croyait à peine aux mielleuses provocations du comte, et ne pouvait guère s’expliquer à elle-même ce soudain revirement. La richesse coquette de ce boudoir la surprit, l’arôme qui s’en exhalait lui donnait presque le vertige.

— Pourquoi m’avoir appelée avec tant d’instance, demanda-t-elle à Lauzun, est-ce un traité de paix ou de guerre que nous allons signer, monsieur le comte ?