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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

pas cela pour moi, qui suis à peine effleuré, grâce à mes débuts, mais vous !

— On prétend m’injurier ?

— Pas tout à fait, mon cher oncle ; mais on insinue bien bas que vous n’êtes plus l’homme des triomphes difficiles, le héros du jour, l’astre des belles, des soupers ! Voyez, se disaient-ils l’autre jour entre eux, comme la prison et l’exil ont changé le beau Lauzun ! Cherchez donc en lui ce cousin charmant de Grammont et de Turenne ; il y a mieux, devinez, à le voir passer dans la rue ou au Cours, qu’il est l’oncle de ce mauvais sujet de Riom ! Ah ! les temps sont loin où madame de Guiche et la duchesse de Valentinois se prenaient aux yeux pour lui ! et madame Henriette, si elle vivait, pourrait-elle seulement le reconnaître ! Quatre cents lieues loin de la cour l’ont fait vieux. Il s’excuserait s’il lui fallait danser seulement la passacaille[1].

— Ah ! ils disent cela ! répéta Lauzun d’un ton piqué, et quels sont ces paons orgueilleux de la cour qui font la roue avec ma satire ? Leurs noms, Riom, leurs noms, ou, bien que tu sois mon neveu, je me bats avec toi à l’instant même dans la cour de cet hôtel ; car entendre de pareils propos et les souffrir, ceci n’est pas digne du sang des Caumont, comte de Riom, c’est Lauzun qui te le dit !

Riom resta stupéfait. Il y avait dans l’âpre fierté de Lauzun l’énergie d’un homme injustement méconnu ; le dédain et le courroux rendaient sa parole brève et imposante. Riom commençait à se dégriser tout à fait.

— Mais mon oncle, c’était Roquelaure, d’Alluye d’Humières et le prince de Monaco. Voilà tous les noms que je me rappelle, et vous pouvez croire que je n’ai point laissé tomber à terre de pareilles critiques, dit Riom en se redressant.

— Roquelaure, d’Alluye, d’Humières et Monaco ? à mer-

  1. Danse de la jeunesse de Louis XIV.