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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

méchanceté et la jalousie des hommes lui ont imputés ! Osez-vous ici l’attaquer devant sa fille ? La preuve, monsieur, la preuve !

Et pâle de colère, d’indignation, de fierté, la jeune fille avait saisi le bras du vieillard, quand il reprit :

— La preuve ? voyez cet anneau.

Paquette se pencha ; elle reconnut les armes de Fouquet gravées sur la bague. La main du cadavre, qu’elle avait saisie retomba froide et glacée entre les siennes. Un éclair terrible illuminait son esprit.

— Encore une fois, s’écria-t-elle, je proteste par tout ce qu’il y a de sacré contre une telle calomnie. Oui, par cette morte qui me voit et qui m’entend… qu’importe après tout les armes de mon père ? on les lui a prises, volées !

— Mais alors, quel est donc l’auteur de ce piège infâme ? Parlez, oh ! parlez, le connaissez-vous ? Son nom ?

— Je le connais, reprit la jeune fille, après une pause où toutes les fibres de son cœur semblèrent prêtes, à se rompre, je le connais, mais je ne puis vous le dire…

— Vous le connaissez ? demanda Leclerc, les dents serrées par la rage. Oh ! vous me rendez la vie, je vous devrai tout, si je retrouve ma vengeance !

— Le nom de cet homme est mon secret ; un jour, bientôt, peut-être je vous le dirai, car vous avez ma parole. En attendant, je ne dois pas demeurer, vous le comprendrez vous-même, un instant de plus dans cette maison. Ne me retenez pas, adieu !

Et franchissant d’un bond le seuil de la chambre, devant Leclerc atterré, la jeune fille atteignit la rue.

La nuit était sombre, le froid perçant. À cette heure, il y avait pour elle mille craintes et mille embûches. Le cœur de Paquette se serra d’inquiétude.

— Qui me sauvera, mon Dieu ! s’écria-t-elle en se précipitant sous les arcades semées d’ombres.

— Moi, mademoiselle, dit une voix qui fit retourner Paquette.