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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Paquette l’avait écouté avec une curiosité singulière, insatiable… Son cœur battait à se rompre dans sa poitrine.

— Et cet homme, demanda-t-elle, qu’en avez-vous fait ? Vous vous êtes vengé, vous l’avez tué, n’est-ce pas ?

— Cet homme est mort, répondit Leclerc ; sa prison, ses propres malheurs m’ont ravi l’accomplissement de ma vengeance.

— Son nom, reprit Paquette, son nom ?

— Vous voulez le savoir ? Ce n’est que devant elle que je puis vous le dire. Voyez !

En parlant ainsi, Leclerc tira le rideau qui cachait l’armoire dont il a été parlé : cette armoire était de verre… elle couvrait la morte. Paquette poussa un grand cri.

Ce spectacle n’avait pourtant rien d’effrayant. Le corps était paré coquettement, et les joues avaient du fard. La bouche gardait un sourire d’une mélancolie sereine et douce. L’art des embaumements, porté au plus haut point par Ruisch, rendait alors à ces représentations de la mort une apparence de charme et de vie… Paquette n’eut pas de peine à reconnaître dans ce froid visage les lignes du portrait qu’elle avait vu. La bague dont Leclerc avait parlé était au doigt de la morte.

— Paquette, reprit Leclerc, approchant lui-même un flambeau de cette main glacée par la mort, j’ai promis de vous dire le nom de ce lâche, de ce misérable qui a consommé mon déshonneur, qui aujourd’hui même, à cette heure, me fait repousser loin de mon cœur celui que vous voudriez y voir pressé. Soyez satisfaite ce lâche, ce misérable, c’est Fouquet !

— Fouquet ! avez-vous dit ? Arrêtez, monsieur, vous blasphémez. Pas un mot de plus ; cet homme, c’était mon père !

— Votre père ?

— Mon père, reprit-elle, et je jure Dieu que jamais il a commis un tel crime. C’est bien assez de ceux que la