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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— À savoir l’adresse et le nom de la personne qui vous a écrit ces lignes.

— En vérité, monsieur, je l’ignore, répondit-elle tremblante et confuse qu’Henri eût si vite mis le doigt sur un de ses secrets, mais je donnerais tout au monde pour le savoir.

— Eh bien, moi, je vais vous le dire, reprit Henri en fixant Paquette avec une expression de joie, de bonheur et de triomphe.

— Vous !

— Moi-même, poursuivit-il avec une véritable exaltation ; l’homme qui a écrit ceci est le plus noble, le plus généreux des hommes ! Je lui dois la vie, il m’a sauvé.

Paquette le regarda avec un trouble dont rien ne pourrait donner une idée. Le visage de Henri reflétait alors son âme, son regard brillait d’une flamme aussi acérée qu’un glaive. Il reprit d’une voix qui décelait en lui la plus vive émotion :

— Oui, il m’a sauvé quand j’allais périr ; il m’a arraché à une mort barbare et trop certaine. Tandis que le Turc assiégeait Vienne, le roi faisait bombarder Alger pour la seconde fois. Notre amiral était résolu à ne point ménager les habitants de la ville. Dans un engagement qui avait eu lieu huit jours avant, j’étais tombé au pouvoir des Barbaresques avec plusieurs officiers. Les Algériens venaient de voir leur ville foudroyée, leurs maisons et leurs magasins en cendre. Poussés au désespoir, ils se réfugièrent dans les représailles, ils poussèrent la cruauté jusqu’à l’excès. Non contents de nous accabler d’outrages, ils attachaient à la bouche de leurs canons des esclaves français, arrachés de leur prison, et les tiraient sur la rade en guise de boulets. Je fus du nombre. Déjà tout se préparait pour mon supplice, j’allais subir le même sort qui en avait fait périr tant d’autres. Attaché à la bouche du canon fatal, je recommandais mon âme à Dieu. Tout d’un coup un homme fend la presse, il s’approche de mes bourreaux, il sollicite ma