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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

trop vite pour tes jambes. Que veux-tu, pardonne-moi ! et songe qu’il y a longtemps que je n’ai revu mon père ! Me reconnaîtra-t-il seulement sous mon uniforme ?

— M. Leclerc est dans son cabinet de travail, reprit Ursule, je vais de ce pas le prévenir.

Paquette descendait l’escalier en cet instant, elle se trouva vis-à-vis du jeune enseigne.

— Vous êtes monsieur Henri ? lui demanda-t-elle en rougissant. Oh ! l’on vous attend ! oh soyez le bienvenu !

En parlant ainsi, la naïve enfant marchait la première vers le cabinet du financier.

Henri la regarda avec une admiration mêlée de surprise. Il ne savait trop à quoi attribuer un pareil empressement.

Paquette le savait, elle qui était loin d’avoir oublié les désolantes paroles de Leclerc, elle pâlit, elle trembla, quand elle le vit paraître sur le seuil de cette pièce…

L’air du financier était morne, son front était sans rayon et sa lèvre sans sourire.

À son aspect seul, Paquette sentit son cœur se briser, elle chancela…

Cependant Henri venait de se jeter dans les bras de son père avec un cri de joie étouffé, ses beaux cheveux noirs touchaient la joue du vieillard.

— Mon père ! s’écria-t-il.

— Bonjour, monsieur, bonjour, reprit Leclerc en se dégageant froidement des bras du jeune homme.

Le visage de Henri devint blanc comme la cire, il fixa son père, et il le trouva sans larmes…

— Mon père… balbutia-t-il… mon père, ne me reconnaissez-vous pas, je suis Henri !

Et déjà les pleurs obscurcissaient ses jeux, les sanglots coupaient sa voix.

— Mon père, ajouta-t-il, j’ai servi trois ans avec honneur sous les ordres d’un homme que le roi tout le premier estime et révère, je vous reviens enseigne, je suis votre fils, je suis Henri !