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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

conduire avec ce fallot jusque chez vous, dussé-je être pris par les limiers de la police. Mais j’y pense, n’ai-je pas rendu autrefois des services à Mademoiselle ? J’irai la trouver, je lui dirai… Deux hommes à cheval sur le mur de mon jardin ! Vous aviez raison, ce sont de ces choses qu’on ne doit point ignorer… Au revoir, et à bientôt, mon cher Lecamus ! je vous suis dévoué à la vie et à la mort !

Et Leclerc troublé, impatient de se trouver seul, reconduisit son ami, lequel sortit lentement et placidement, selon sa coutume, en se contentant de répéter :

— Songez-y.

Dès qu’il se vit seul, Leclerc, après avoir scrupuleusement tiré sur lui les verrous de la pièce où il était, s’approcha avec précaution d’une cassette en cuir noir, il l’examina quelques secondes dans un silence recueilli.

Une pâleur mortelle couvrait ses joues, Leclerc détacha une petite clef de son cou et l’introduisit dans la serrure.

— Bien… tout est en ordre, dit-il après une pause et en refermant la boîte avec soin.

Il poussa un soupir et se promena à grands pas.

Tout d’un coup ses regards se portèrent sur la toile où la jeune fille qu’avait tant regardée Paquette était peinte. Un nuage sombre passa sur son front, que mouillèrent bientôt de rares gouttes de sueur.

— On peut tout me ravir, excepté ce secret, murmura-t-il.

Et il continua à arpenter silencieusement le parquet, laissant échapper de temps à autre des gestes rapides de dépit et de colère. Jusque-là, il ne semblait pas même s’être aperçu qu’il tenait entre ses mains la lettre que lui avait remise Lecamus.

Par un mouvement brusque, il l’approcha de la bougie et en rompit le cachet.

Le silence était profond, la place Royale n’avait aucun bruit, Paquettc devait dormir.

Leclerc parcourut la lettre avec des signes marqués de