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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

je vous aurai quitté. Tout ce que je veux, tout ce que je dois vous dire…

— Parlez, oh ! parlez, mon cher Lecamus, et surtout ne me faites point languir. Je suis d’une humeur que la seule vue de cette lettre est loin d’adoucir. Qu’avez-vous appris ? Voyons.

— Je n’ai rien appris, dit M. Lecamus ; j’ai vu, de mes yeux… intuentibus oculis !

— En ce cas, parlez !

— Vous allez, j’en suis sûr, me traiter de visionnaire.

— Vous me faites mourir ! Je suis là sur les épines.

— Eh bien, donc, mon cher, vous saurez que l’autre jour… Oui, il y a bien quinze bons jours de cela…

— Quinze jours ?

— C’était à la brune, j’ai distingué clairement deux hommes montés sur le mur de votre jardin, voilà.

— Deux hommes, dites-vous, sur mon mur et à la brune ? C’étaient peut-être des voleurs ?

— Je ne pense pas, car il y avait au bout de la rue un carrosse en station.

— Un carrosse à eux ?

— À eux, C’est chose probable, ils comptaient sans doute faire bien les choses, et vous enlever d’ici avec autant d’égards que d’Artagnan en mit à escamoter M. Fouquet.

— Malpeste ! j’ai bien fait de courir alors les champs ; c’étaient donc des exempts, voire des archers, peut-être ?

— Tous deux en avaient la mine. J’ai pensé qu’ils ne mesuraient pas la hauteur de votre mur pour rien. Comme il fallait me rendre à une assemblée fort loin d’ici, je n’ai pu suivre davantage leurs mouvements ; mais tenez, je mettrais ma main au feu…

— C’est sûr, c’est indubitable ! s’écria Leclerc en se levant d’un air agité, la chambre de justice m’en veut, j’ai connu Hervart, Fouquet et vingt autres. Mon cher Lecamus, vous me rendez là le plus signalé service. Demain ou après demain au plus tard, il faut que je quitte cette maison. Merci, ajouta Leclerc, merci, je prétends vous re-