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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

vanta. Sa candeur et sa modestie se révoltèrent à l’idée de sa poursuite, elle ne se crut pas même en sûreté dans cette maison dont Ursule avait la clef. L’idée de se voir soumise à l’espionnage constant de la gouvernante du vieux Leclerc fit naître d’ailleurs en elle de telles pensées de honte et de douleur, qu’elle se résolut à fuir ; elle prit sa mante et descendit dans le jardin.

Paquette s’était assurée qu’Ursule ne pouvait la voir, occupée qu’elle était à recevoir alors M. Lecamus, l’ami de Leclerc, qui venait de la demander chez le concierge.

Le soir était venu, et les maigres allées de buis du jardin s’effaçaient déjà sous une teinte d’ombres uniformes.

La jeune fille posa le pied sur le sable de cet enclos aussi morne que celui d’un cloître. Il était planté d’arbres tristes et symétriques. Soudain, elle réprima un léger cri.

Sur le mur d’enceinte coupant la rue, elle venait d’apercevoir deux hommes qui faisaient mine tous deux de l’appeler. Chacun agitait un billet.

— Mademoiselle, prenez ceci, disait l’un, en cherchant de son mieux à cacher son visage sous son grand feutre.

— Pst, pst, par ici, murmurait l’autre en présentant aussi un billet à la jeune fille.

Ainsi perchés à califourchon sur la muraille, ces deux personnages semblaient se considérer tous deux avec un mutuel étonnement. Paquette elle-même ne put réprimer un léger sourire à leur aspect.

— Mademoiselle, reprit le premier, un grand danger vous menace.

Paquette courut à cet interlocuteur. Elle prit le billet qu’il lui tendit après l’avoir percé de la pointe de son épée.

— Rassurez-vous, continua ce même messager, on veille sur vous !

— Mademoiselle, lisez, prenez vite ; car le temps presse ! dit le second en jetant sa lettre à terre.

Paquette ramassa la seconde lettre et ne put entendre l’exclamation de Barailles, désappointé.