Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

j’ai reçue chez moi, vous qui avez trompé indignement ma confiance, et que je ne saurais garder un instant de plus dans ce palais.

— Moi, madame ?

— Oh ! je sais ce que vous allez me dire, vous allez avoir recours, pour vous excuser, à un mensonge.

— Je ne mens jamais, madame, répondit Paquette avec dignité ; je me borne ici à en appeler à votre justice. Pouvais-je penser que M. de Lauzun…

— Voulût se moquer de vous ? Oh ! non. Vous aurez pris pour vraies les paroles qu’il vous a dites. Vous êtes si crédule, si naïve ! Cela se voit.

L’amère ironie de ce reproche serra le cœur de Paquette, des pleurs gonflèrent ses yeux qu’elle tenait abaissés, elle demeura immobile devant son accusatrice.

— Tout ce que je puis faire pour vous, reprit la princesse d’un air de compassion dédaigneuse, est de ne rien dire de ceci à votre père ; sortez !

Ces paroles dites, la princesse fit signe à l’une de ses dames de reconduire mademoiselle Leclerc chez son père. À défaut du vieux partisan qui devait alors être sur la route de Marseille, on rappellerait près d’elle dame Ursule, pour qui la princesse traça quelques lignes à la hâte.

La désolation de Paquette fut grande ; mais le seuil du palais une fois dépassé, elle respira. L’idée de se retrouver seule dans cette sombre maison de Leclerc ne l’effrayait point ; elle avait connu de bonne heure la prison, la solitude. Quand elle revit la place Royale et la vieille Ursule, elle sourit seulement d’un sourire paisible et triste. La dame qui l’accompagnait la quitta, et Paquette la voyant partie, courut aussitôt à ses chères fleurs, car le bonhomme Leclerc lui en avait acheté ; c’était là son seul cadeau. À Pignerol, la jeune fille aimait aussi à s’occuper des fleura avec une rare persévérance, elle présidait à leurs hymens, et les poursuivait dans les prés ou les étangs. Son infatigable agilité l’avait enfin rendue maîtresse d’un herbier,