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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Eh bien, oui, reprit paquette, en essayant sur Lauzun la puissance claire et sereine de son doux regard, je le veux.

— Eh bien, Paquette, cet anneau de magicien…

— Poursuivez…

— M’a été pris, il y a déjà longtemps, par une magicienne.

— Elle devait être bien belle, dit Paquette en soupirant.

— Moins belle que toi, ma chère enfant, puisque je l’ai oubliée ! Après cela, je l’avais à peine vue. Enfin, c’est chose sûre, elle m’a pris mon anneau.

— Et c’est votre faute ! un talisman aussi précieux… une bague pareille devenue la proie d’une coquette ! Allez, monsieur, c’est bien mal ; à votre place, j’aurai porté plainte, je me serais fait rendre mon bien.

— Si ta crois que c’est facile ! Cette chère Paquette ne doute de rien, ajouta le comte en essayant de prendre les mains de la jolie fille ; quel malheur que Mademoiselle soit si jalouse. Mais rassure-toi, je n’oublierai point mes promesses de Pignerol… Oui, charmante Paquette, si je n’ai plus l’anneau de Gygès… C’est qu’en vérité elle est encore plus délicieuse ici que là-bas, ajouta Lauzun en s’interrompant, elle a une taille, des yeux…

— Monsieur le comte, s’écria Paquette en se dégageant avec vivacité, j’entends le roulement d’une voiture. Mon Dieu ! c’est Mademoiselle…

— Impossible, te dis-je, elle est à cette heure sur le chemin de Versailles.

— C’est sa voix, c’est elle, monsieur de Lauzun, plus de doute !

— Paquette, murmura Lauzun, si jamais tu tombais un jour dans le malheur, songe à ton ancien ami. Tu connais ma demeure, jure-moi en me quittant…

Mais Paquette avait déjà glissé des mains de Lauzun avec l’agilité d’une couleuvre. Ne songeant alors qu’à regagner le balcon, le comte essayait de se cramponner à la pierre quand il aperçut Mademoiselle à la fenêtre.