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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

d’autres fois pour ses maîtresses, quelquefois pour ses amis, et j’étais de ses amis.

— Quel homme généreux !

— Oui, par malheur il fit aussi de l’or pour lui, et le roi trouvant sans doute qu’il n’en devait faire que pour sa personne et à son image, le roi se fâcha et il se fâcha tout de bon. Cet homme opulent, splendide, qui protégeait même les arts, bien qu’il fût un financier, devint le plus grand coupable. La veille, il avait des amis, des palais, des femmes de cour enchantées de recourir à sa cassette ; le lendemain, il se réveilla dans un cachot. Le souffle royal avait tout détruit : on permit à peine à ses juges de l’entendre. Enfin il est mort ; et moi qui te parle, moi qu’il a sauvé plus d’une fois, grâce à cet anneau qu’il me prêtait, je n’ai pu même parvenir à faire entendre ma voix pour lui au pied du trône ! J’étais moi-même en prison avec lui, à Pignerol.

— À Pignerol ! reprit Paquette devenue pâle et en se levant, il y était donc ? Mais comment se fait-il que vous ne me l’y ayiez point montré ?

— Parbleu ! ma chère Paquette, tu le voyais tous les jours, cet homme, ce magicien merveilleux c’était Fouquet !

— Lui ! lui ! murmura Paquette en retombant sur le banc de la grotte, les lèvres émues et décolorées.

— Qu’as-tu donc ? Mais tu m’effraies !

— Rien, rien, monsieur de Lauzun, dit Paquette en ayant l’air de reprendre ses sens, mais gardant encore sur son beau visage l’altération qu’y avaient fait passer les dernières paroles du comte. Revenons à cet anneau… Quelqu’un vous l’a donc volé ?

— Non, pas tout à fait, on me l’a pris… répondit Lauzun en souriant.

— Qui donc a osé ?

— Veux-tu par hasard me confesser comme Mademoielle ?