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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Et moi donc ! si je l’avais aujourd’hui, Paquette, tu me verrais libre, fastueux, entouré d’or.

— Vous, monsieur le comte ? quoi ! vous pourriez désirer ?…

— Ce que j’ai perdu, Paquette, l’anneau d’un autre Gygès qui m’ouvrait comme à lui les portes du temple de la Fortune ! Grâce à cet anneau, je n’avais qu’à demander. J’étais jeune alors, et tous les désirs, fils de mes rêves, toutes mes pensées, tous mes caprices semblaient avoir trouvé un esclave dans mon talisman. Un palais non moins orné que celui-ci, des oiseaux plus beaux et plus variés que ceux que renferme cette volière ; des coffres remplis de rubis et d’émeraudes, des vins de Grèce, des chevaux d’Espagne, en un mot, une vie de parfums et de délices, voilà ce que je devais à mon anneau ! Les indifférents m’applaudissaient et mes ennemis se demandaient entre eux quelle fée secourable présidait ainsi à mes dépenses. J’étais plus grand prince qu’un prince de fée, aussi riche que le roi, qui m’eût ravi mon anneau par jalousie s’il eût pu savoir que je l’avais seulement au doigt. Mais il ne le savait pas ; moi seul, chère Paquette, j’avais le secret de mon opulence et de ma vie.

— Et comment donc était cet anneau ? demanda Paquette que les paroles du duc jetaient dans une sorte d’éblouissement.

— Mon Dieu, une bague très simple, — cela va te surprendre, une bague en fer. Seulement, le magicien qui me l’avait donnée avait fait graver ses armes dessus. Je n’avais qu’à vouloir, et avec cette empreinte figée sur la cire…

— Mais cela est merveilleux, interrompit Paquette ; et ce magicien, qui était-il ?

— Ah ! je dois le dire, un rare, un étrange magicien. Figure-toi, Paquette, qu’il faisait de l’or à son choix, ni plus ni moins que le plus savant alchimiste, tantôt pour le prince,