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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

qu’elle tira avec force. En se retournant, elle vit Lauzun, Lauzun tranquillement assis devant la fenêtre à travers laquelle il regardait le Luxembourg. La fureur de Mademoiselle fut au comble.

— Eh bien, monsieur, vous êtes immobile, vous écoutez mes reproches sans émotion. Vous comptez peut-être vous établir chez moi pendant que je vais aller à Versailles ? Vous êtes de glace. Que pensez-vous faire dans mon propre appartement ?

— Vous attendre, madame ; convenez que j’en ai le droit.

— Le droit, dites-vous ? Comment, monsieur le comte, vous allez vous établir ici pendant mon absence, mes gens vont savoir…

— Que je suis chez ma femme, ah ! cela les surprendra.

— Mais Sa Majesté, y songez-vous bien, monsieur, je vais de ce pas…

— Je serais charmé d’apprendre ce qu’elle pense de ma conduite.

— Encore une fois, monsieur le comte…

— Encore une fois, madame, vous êtes trop bonne pour me refuser l’hospitalité. Une fois n’est pas coutume !

La conversation allait dégénérer en querelle, lorsque tout à coup Mademoiselle se rassura. Un sourire moqueur éclaira ses traits ; elle se dirigea rapidement vers la porte, et s’adressant au comte avec une résignation charmante :

— Eh bien, monsieur, restez, vous en êtes le maître, vous êtes chez vous. Mon carrosse est prêt, et j’ai hâte de revenir.

La tolérance d’un pareil adieu surprit Lauzun, il se leva d’un bond et courut à la porte par laquelle venait de sortir la princesse.

Le grincement rapide d’une clef dans la serrure l’avertit qu’il était son prisonnier.

— Pignerol recommence ! poursuivit-il.

Et se penchant à la fenêtre, il vit Mademoiselle monter