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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

poux de Mademoiselle avait été bien vite remplacé dans sa charge à la cour par la Feuillade ; le duc de Longueville voulait même lui succéder dans ses prouesses de boudoir. Louvois l’avait poursuivi de sa haine, et Louis XIV l’écrasait de son oubli.

Tout autre que Lauzun eût songé peut-être à se rapprocher alors de Mademoiselle mais le caractère altier et jaloux de la princesse l’effrayait ; il portait le poids de sa faveur comme un fardeau, et ne manquait pas d’attribuer sa perte à ses nombreuses imprudences. Frondeur et léger à l’excès, il supportait même qu’on le raillât à l’endroit de Mademoiselle, préférant se donner en victime, et racontant partout qu’elle l’avait menacé un jour du couteau.

Cette fois, quand il entra, Lauzun cachait sous l’air le plus enjoué d’étranges préoccupations.

Le matin même, il venait de recevoir des requêtes nombreuses de ses créancier, ravis de revoir enfin au cœur de Paris un homme qui les avait leurrés si longtemps de vaines promesses. À cette meute rapace s’adjoignaient des grands seigneurs munis de titres fort en règle, et qui ne se faisaient faute de relancer le comte, que la fortune de Mademoiselle couvrait. Possesseur de la principauté de Dombes et du duché de…, il venait de voir ses deux apanages lui échapper car ce n’était qu’à ce prix que le roi, jaloux d’assurer une existence princière aux enfants qu’il avait eus de madame de Montespan, avait vendu la grâce de son époux à Mademoiselle. Il importait donc à Lauzun d’avoir une entrevue très prochaine avec la princesse. En se présentant à elle tout d’un coup, il espérait lui forcer la main. La princesse prévint le comte.

— Je vous écrivais, monsieur, dit-elle en lui présentant la lettre qu’elle venait de cacheter.

— Je m’en doutais, madame, répondit Lauzun, et je venais chercher mon homélie ordinaire. Celle d’hier valait, d’honneur, un fragment du révérend père Bourdaloue…