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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

moi, sans doute, protégé le précieux dépôt que je reçois ; mais je dois remplir les intentions de mon ami. Embrassez madame, et demandez-lui le secours de ses prières ! J’en ai plus besoin que vous, moi qui, vers le terme d’une vie inquiète et difficile, ne dois plus songer qu’à bien me mettre avec ma conscience… Aussi, par la même occasion, demanderai-je à madame la supérieure qu’elle veuille bien prier pour un pauvre homme tel que moi, comme elle prie tous les jours, j’en suis sûr, pour un de ses parents, qui le mérite bien peu, pour le comte de Lauzun…

— Vous connaîtriez M. de Lauzun ? demanda la supérieure étonnée ; voilà bien quatre ans que je ne l’ai vu, monsieur. Oh ! dites, par pitié, est-il revenu meilleur, du moins, de Pignerol ?

— Ne m’interrogez pas sur lui, vénérable mère ; c’est un homme perdu, un misérable…

— C’est un homme d’honneur, se hâta de reprendre celle qu’on nommait mademoiselle Leclerc ; il peut avoir des défauts, mais il a aussi des qualités. Il aime, il vénère madame de Lauzun !

— Pour cela, c’est vrai, reprit la supérieure.

— Excusez-moi, ma mère, je n’ai fait que répéter ce qu’on en dit. Mademoiselle, votre voiture est là ; au lieu de parler de M. de Lauzun, je devrais être parti.

— Je suis à vos ordres, monsieur ; mais si vous avez pour moi quelque affection, ne jugez pas si vite une autre fois sur les apparences ; bien souvent elles sont menteuses.

— Mademoiselle, je suis prêt, si vous le voulez, à me déclarer l’ami et le défenseur de M. de Lauzun.

La chaleur naturelle qui perçait dans ces paroles ne fut guère prise en considération par la jeune fille, qui, s’appuyant sur le bras du comte d’assez mauvaise grâce, monta rapidement dans la voiture, après avoir pris congé de la supérieure.

Tout le temps du chemin, Lauzun chercha à confirmer Paquette dans son erreur, il lui parla de Leclerc comme