Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Je le veux, parce que dès demain tu pourras offrir avec cet argent une collation ou un cadeau à ta belle… S’il faut te donner un bon coup d’épaule, je suis là.

— Quoi ! tu m’aiderais ?…

— À tout oser, c’est mon fort. Il faudra d’abord que la dame assiste à nos comédies.

— Là, je pourrai lui parler.

— Tu lui donneras un sonnet, un sonnet que je commande dès ce soir à Saint-Amand. Oh ! il le fera.

— Mais si elle connaissait mon nom, mon état…

— Allons donc ! tu choisiras un nom de théâtre.

— Tu as réponse à tout, et véritablement je t’admire.

— Dépêchons, nos joueurs sont rassemblés.

— Un instant… Si du moins j’écrivais à Mariette… Je ne sais… ajouta Charles, mais un pressentiment secret me dit que peut-être je ne vais plus la revoir.

— Tu es un enfant ; demain elle trouvera sur son escalier ce même Charles qu’elle aime. Tu auras soin de pousser cette fenêtre sans la fermer ; aux lueurs de l’aube, tu rentres, quand ton père et Mariette dorment encore…

— Va donc, je te suis ; mais tu es un tentateur !

— Je suis ton ami, et rien de plus, dit Bellerose qui enjamba la fenêtre.

— La nuit doublait alors l’épaisseur froide de ses ombres, le vent soufflait, la lanterne de la Pomme de pin était prête à rendre son dernier souffle. Sur la façade noire du cabaret brillait un seul jet de clarté, c’était la lumière de la lucarne ouvrant sur la chambre de Mariette.

— Pauvre enfant, elle veille ! pensa le jeune homme. Ah ! pourquoi faut-il que mon cœur ne soit plus à moi !

Ils franchirent bientôt le pont Marie, dont quelques rares lumières éclairaient les toits amoncelés, puis tous deux gagnèrent la maison d’Eudes Roquentin sur le pont de la Tournelle.

Les fenêtres du logis étaient ardemment illuminées ; plu-